S’impliquer pour changer les choses

Décembre 2017

Portrait de diplômée avec Natacha Jean

Au cours des derniers mois, l’équipe de l’ADUQAC a eu la chance de réaliser plusieurs portraits avec des diplômé(e)s s’étant illustré(e)s dans le secteur privé. Ce mois-ci, c’est en politique que s’est démarquée la diplômée ayant attiré notre attention.  Nous sommes heureux de mettre en lumière le parcours inspirant de Mme Natacha Jean, diplômée au baccalauréat en enseignement au secondaire, profil histoire et à la maîtrise en interventions régionales de l’UQAC, qui vient de terminer un mandat de 4 ans comme conseillère municipale  et membre du comité exécutif de la ville de Québec.

Madame Jean, merci de partager avec nous votre parcours. Tout d’abord, j’aimerais savoir pourquoi vous être lancé en politique?

L’important pour moi, c’est de m’investir dans une cause, dans des actions qui provoquent des changements. Et sur ce plan, j’ai été choyée d’abord en présidant des associations étudiantes au secondaire, au cégep et à l’université et en siégeant sur plusieurs conseils d’administration très tôt dans mon parcours. Dans mon cas, ces implications ont été très formatrices. De devoir débattre des revendications des élèves devant une direction dès l’adolescence, cela permet de développer certaines aptitudes très jeunes. On apprend également vite à faire face à l’adversité, car nos positions ne font, évidemment, pas toujours l’unanimité. J’ai réalisé rapidement que si on veut que les choses changent, il faut s’impliquer.

J’ai milité par la suite pour la place des jeunes dans les sphères décisionnelles et pour l’enracinement des jeunes dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean à travers des organisations comme le CJE Saguenay, Place aux jeunes en région, le Parlement jeunesse et le conseil municipal jeunesse de Chicoutimi. J’ai ensuite été nommée porte-parole régionale du Sommet du Québec et de la jeunesse en 2000 et j’ai participé à l’implantation du Forum jeunesse régional. Des projets jeunesse très concrets ont été créés suite à ces démarches. C’est à cette époque que je me suis inscrite au programme de maîtrise en Études régionales de l’UQAC, car je tenais à faire ma formation dans ma région. Je n’ai jamais regretté ce choix. J’ai eu l’occasion au cours de ma maîtrise de développer des connaissances sur la mobilisation des acteurs clés d’un territoire, sur les bases du développement économique, etc. J’ai eu également le privilège d’être assistante de recherche pour Marielle Tremblay et Marc-Urbain Proulx.

À la fin de mes études, des professeurs ont recommandé ma candidature à Michel Perron qui démarrait à l’époque le CRÉPAS. J’ai été engagée en tant que coordonnatrice régionale du Chantier école-entreprises-milieu. J’ai occupé ce poste deux ans. J’ai beaucoup appris de cette équipe et c’est encore pour moi une grande fierté d’avoir été associée à la première instance régionale en persévérance scolaire. Dans cette foulée, on m’a offert un poste de directrice des communications et des relations publiques au Fonds jeunesse Québec, un fonds national de 240 M $ créé lors du Sommet du Québec et de la jeunesse. Un poste basé à Québec, ce qui m’a amené à quitter la région. J’ai ensuite été directrice adjointe du Centre de recherche de la Fondation de l’entrepreneurship et PDG du Concours québécois en entrepreneuriat de 2007 à 2013. Au cours de ces mandats, j’ai eu l’occasion de défendre les enjeux régionaux sur plusieurs tribunes et plusieurs comités.

En y pensant bien, c’est l’entrepreneuriat qui m’a mené à la politique municipale. Au départ, M. Labeaume m’a proposé de faire partie de son équipe de candidats afin que je puisse l’accompagner dans ses actions visant à faire de Québec la ville « la plus entrepreneuriale au pays »! J’avais déjà travaillé avec M. Labeaume lorsqu’il était PDG de la Fondation de l’entrepreneurship et j’avais été impressionnée par son énergie et son leadership. J’ai donc accepté rapidement de faire campagne en 2013. Suite à mon élection, le maire m’a nommée présidente de l’arrondissement Des Rivières et responsable de l’entrepreneuriat au sein du comité exécutif. Les premiers mois ont été ardus, car il faut s’approprier beaucoup de contenu à vitesse grand V. C’est à ce moment qu’on réalise à quel point nos implications passées peuvent nous être utiles ! Ce fut un mandat extrêmement enrichissant, mais comme mes enfants sont jeunes et j’ai décidé de ne pas briguer un 2e mandat afin d’être davantage présente pendant quelques années. En politique, on contrôle peut ou pas du tout notre emploi du temps. Mon rôle de représentante des citoyens de Vanier va profondément me manquer et je ne dis pas non d’emblée à un retour en politique un jour. Je suis présentement à la recherche d’un nouveau défi. Peut-être bien à la recherche d’une entreprise à acheter en 2018!

Quelles sont les réalisations dont vous êtes la plus fière de ces quatre dernières années à servir les citoyens de Québec ?

Le district où j’ai été élue est l’un des plus défavorisés de Québec. Suite à mon élection, j’ai effectué une tournée des organismes et des écoles. J’ai constaté à quel point ce secteur était aux prises avec des enjeux sociaux et économiques de taille. Même si Québec est une ville riche, plusieurs citoyens vivent sous le seuil de la pauvreté. D’ailleurs, lorsque j’ai fait campagne, l’école secondaire Vanier était le théâtre du taux de décrochage le plus élevé au Québec, soit 63 %. Ce sont des élèves de plus de 34 nationalités (en grande proportion allophones lors de leur arrivée en secondaire 1) qui composent la clientèle. Imaginez le défi!

Dès le début du mandat, j’ai décidé de m’impliquer afin de changer les choses. J’ai été appuyée à 100% par le cabinet du maire dans mes démarches. Entourée d’anciens citoyens de Vanier qui ont réussi en affaires et du député du coin, j’ai participé à la création de « Mobilisation Vanier ». Cette initiative permet de réunir des acteurs clés et des fonds nécessaires pour soutenir des projets visant à sortir les jeunes de Vanier du cercle vicieux de la pauvreté et du décrochage scolaire. Nous avons convaincu la comédienne Guylaine Tremblay, ancienne élève de cette école, d’en être la porte-parole.

Au cours du dernier mandat, nous avons soutenu principalement l’école secondaire Vanier. Afin de contrer le décrochage scolaire, la direction de l’école a créé des équipes sportives pour motiver les jeunes. Plus de 35 % des élèves font partie d’une de ces équipes aujourd’hui alors qu’en 2013, la cour arrière était un champ boueux complètement abandonné et les jeunes n’avaient pas les moyens de payer leur inscription, leur uniforme, l’équipement de base, etc. Nos démarches ont permis de récolter plus de 3 M $ de fonds publics et privés. En 2 ans, la cour d’école a été totalement aménagée. On a construit un terrain de soccer synthétique magnifique, des aires de basketball, une zone de course, de l’éclairage sécuritaire, des gradins, etc. Le paysage de cette portion du quartier est totalement transformé. Nous avons également recruté neuf entreprises locales qui supporteront financièrement chacune des équipes de sport pendant 3 ans et nous avons créé un poste de coordonnateur des sports à temps plein. On sent réellement le vent de changement dans cette école et le taux de décrochage scolaire a diminué de moitié depuis 5 ans.

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Nous avons également investi, pendant mon mandat, dans un projet de jardin communautaire et nous avons rouvert la bibliothèque de Duberger, secteur du district également défavorisé. Toutes ces réalisations me rendent bien fière. Les gens de mon quartier ne se plaignent pas beaucoup de leurs conditions et j’ai vite réalisé que le citoyen le plus revendicateur de Vanier, ça devait être la conseillère ! Je poursuis d’ailleurs mon implication dans cette initiative bien que je ne sois plus une élue. Malgré le progrès, la partie n’est pas gagnée pour les jeunes de ce quartier.

Merci beaucoup Madame Jean. Avant de conclure, j’aimerais connaître un des bons souvenirs que vous conservez de votre passage à l’UQAC.

Je ne retiens que de beaux souvenirs de mon passage à l’UQAC. C’est un réel privilège de fréquenter une université à « taille humaine ». Je retiens aussi le niveau d’engagement et d’accessibilité des enseignants et le dévouement du personnel. Pouvoir discuter facilement avec les enseignants avant, pendant, ou après un cours, c’est une valeur ajoutée inestimable dans un parcours universitaire et j’ai réalisé après coup que ce n’était pas comme cela partout. Parmi mes meilleurs souvenirs, je retiens les cours de Marielle Tremblay. La vision de cette femme engagée, sensible et féministe a teinté grandement ma vie professionnelle par la suite.